Calcul des pertes fer et pertes hystérétiques avec un matériau hystérétique caractérisé par un modèle de Preisach

Introduction

Ce chapitre traite du calcul des pertes fer et pertes hystérétiques avec un matériau caractérisé par un modèle de Preisach :

  • Hystérétique isotrope, modèle de Preisach décrit par 4 paramètres d'un cycle typique et
  • Hystérétique isotrope, modèle de Preisach identifié par N triplets

dans un projet Flux.

Les matériaux possédant ce type de propriété B(H) de type Preisach permettent de prendre en compte les phénomènes d'hystérésis ferromagnétiques pendant la résolution du projet. Par conséquent, ils permettent une évaluation directe ou à priori des pertes fer et pertes hystérétiques dans le matériau ferromagnétique.

Les sections suivantes seront traitées :
  • Hystérésis statique et dynamique ;
  • Prise en compte des pertes fer et pertes hystérétiques dans Flux pour un matériau hystérétique ;
  • Example d'application
  • Références bibliographiques

Hystérésis statique et dynamique

Lors du fonctionnement des appareils électriques, plusieurs de leurs composantes sont soumises à des variations temporelles de champ magnétique. Si l’une de ces composantes est conductrice, il se développe alors des courants induits dans son volume que l’on nomme courants de Foucault. Ces courants sont responsables de pertes via l’effet Joule. Par ailleurs, si l’une des composantes est formée d’un matériau magnétique, la variation de champ magnétique génère également des pertes liées au processus de magnétisation que l’on appelle pertes hystérétiques (modélisable avec un matériau de type hystérétique). Ces deux contributions forment ce que l’on appelle plus communément les pertes fer et sont décrites via l’expression générale suivante :

p =   H   .   B t +   ρ   J 2 (1)

Avec :
  • p : la densité de pertes fer (W/m³) ;
  • H : le champ magnétique (A/m) ;
  • B : l'induction magnétique (T) ;
  • ρ : la résistivité électrique du matériau (Ω.m) ;
  • J : la densité de courant induite (A/m²).

Alors que l'expression (1) est valable en chaque point du matériau magnétique, une expression similaire peut être dérivée pour une région volumique par son intégration et écrite en termes de grandeurs macroscopiques mesurables (plus de détails dans les références bibliographiques à la fin de ce chapitre) . La densité de puissance totale absorbée dans une région (c'est-à-dire les pertes fer totales, avec les pertes hystérétiques et les pertes Joule) est donnée par :

P =   Hs   .   Ba t (2)

Avec :

  • P : la densité de pertes fer (W/m³) ;
  • Hs : le champ magnétique surfacique de la région (A/m) ;
  • Ba : l'induction magnétique moyenne dans la section de la région (T).

Dans l’expression (1), nous distinguons clairement deux contributions. Une première contribution directement liée à l’état d’aimantation du matériau, qui représente la puissance magnétique stockée dans le matériau. Ainsi qu’une deuxième contribution dynamique liée aux courants induits qui se développent dans un milieu conducteur, et qui correspond aux pertes par courants de Foucault. Dans le cas d'un champ magnétique à variation temporelle lente, le terme de pertes Joule est petit car les courants induits sont négligeables et les pertes sont presque purement hystérétique. D'autre part, lorsque la variation temporelle du champ magnétique augmente, les pertes hystérétiques et les pertes Joule ont tendance à augmenter.

L'équation (2), en revanche, ne contient qu'un seul terme, qui tient compte à la fois des pertes hystérétiques et des courants de Foucault. Ce terme pourrait être considéré à tort comme un terme de perte purement hystérétique par rapport à l'équation (1), mais ce n'est pas le cas. En effet, puisque Hs et Ba sont des fonctions de la distribution globale des champs dans la région (y compris la contribution provenant des courants de Foucault à des fréquences plus élevées), le terme Hs*dBa/dt représente les pertes fer dans la région.

Il résulte de ce qui précède que l'aire décrite par le cycle d'hystérésis de Ba(Hs) représente l'énergie totale dissipée dans un cycle (c'est-à-dire la somme des pertes hystérétiques et Joule). Aux basses fréquences, le cycle d'hystérésis est étroit en raison des courants induits et des pertes Joule négligeables. Dans ces conditions, on parle d'hystérésis statique. A des fréquences plus élevées, le cycle d'hystérésis Ba(Hs) s'élargit du fait du développement de courants induits conduisant à des pertes Joule, on parle maintenant d'hystérésis dynamique . Ces effets sont illustrés dans la figure ci-dessous :
Figure 1. Cycle d'hystérésis statique pour une fréquence de 10Hz (en rouge) et cycle d'hystérésis dynamique pour une fréquence de 1000Hz (en bleu)


Prise en compte des pertes fer et pertes hystérétiques dans Flux pour un matériau hystérétique

Dans Flux pour un utilisateur, il est possible de prendre en compte ces deux effets (hystérésis statique et hystérésis dynamique) en résolution :
  • Si l’on veut prendre en compte l’hystérésis statique, il faut utiliser un modèle de matériau avec une propriété B(H) hystérétique telle que le modèle de Preisach, et l’appliquer sur une région magnétique non-conductrice. De ce fait les pertes hystérétiques décrites dans l’équation (1) seront bien calculées en résolution. Dans l’hypothèse d’une simulation à basse fréquence cela reste tout à fait viable.
  • Si l’on veut en plus prendre en compte les pertes par courants induits et donc l’hystérésis dynamique, il faut rajouter une propriété J(E) non-nulle dans le matériau vu précédemment et également changer le type de région et opter pour une région de type conducteur massif afin de calculer les courants induits dans la résolution et par construction de rendre possible l’évaluation du deuxième terme de l’équation (1).
Dans le cadre d’une simulation avec hystérésis statique, afin d’évaluer les pertes hystérétiques pour un matériau utilisant une propriété B(H) hystérétique telle que le modèle de Preisach, sur une région magnétique non-conductrice, l’utilisateur devra :
  • Créer un Capteur dans l’onglet Paramètre/Grandeur ;
  • Ce capteur devra être de type Prédéfini ;
  • Dans les grandeurs prédéfinis, choisir Puissance magnétique ;
  • Sélectionner les régions de type magnétique non-conductrice ayant une propriété B(H) hystérétique.
Ce capteur prédéfini permet de calculer l’expression suivante qui représente la densité de puissance magnétique instantanée:

p =   H   .   B t

Cette expression peut également être calculée via la grandeur dPuissMag/dV disponible dans la calculatrice. La distribution des pertes hystérétiques dans le dispositif peut également être visualisée dans les isovaleurs à l’aide de la grandeur vue précédemment.

Dans le cadre d’une simulation avec hystérésis dynamique, afin d’évaluer les pertes fer pour un matériau utilisant une propriété B(H) hystérétique et une propriété J(E) non nulle, sur une région de type conducteur massif, l’utilisateur devra :
  • Créer un Capteur dans l’onglet Paramètre/Grandeur ;
  • Ce capteur devra être de type Intégrale ;
  • Sélectionner les régions de type conducteur massif, ayant une propriété B(H) hystérétique et une propriété J(E) non-nulle ;
  • Pour le champ Formule spatiale, sélectionner dans la calculatrice à l’aide du bouton (f) la grandeur dPuissance/dV.
Cette grandeur calcule l’expression suivante et permet de prendre en compte pleinement les pertes fer :

p =   H   .   B t +   ρ   J 2

La distribution des pertes fer dans le dispositif peut également être visualisée dans les isovaleurs à l’aide de la grandeur dPuissance/dV.

Le tableau ci-dessous résume les deux possibilités de modélisation évoquées précédemment pour calculer soit les pertes hystérétiques avec de l'hystérésis statique soit les pertes fer avec de l'hystérésis dynamique.
Tableau 1. Récapitulatif du calcul de la puissance magnétique et des pertes fer pour un modèle hystérétique
Matériau Propriété active Région Calcul Equation calculée
Modèle de Preisach B(H) Magnétique non conductrice Capteur prédéfini sur région de type Puissance magnétique (dPuissMag/dV)

Pertes hystérétiques

p =   H   .   B t

B(H) + J(E) Conducteur massif Capteur intégrale sur région avec la grandeur dPuissance/dV Pertes fer

p =   H   .   B t +   ρ   J 2

Exemple d'application

Considérons le problème TEAM 32 déjà vu dans cette page. Maintenant, nous comparons les deux approches vus précédemment, la première approche avec le noyau magnétique décrit avec une région magnétique non conductrice, elle-même composée d'un matériau avec une loi B(H) basée sur le modèle de Preisach et sans loi J(E) ce qui aura pour effet de ne pas calculer les courants induits dans le noyau. La seconde approche où le noyau magnétique est décrit avec une région de type conducteur massif, une loi B(H) basée sur le modèle de Preisach et avec une loi J(E) linéaire isotrope, ce qui aura pour effet de calculer les courants induits dans le noyau. Ces deux approches sont explcitées dans la figure ci-dessous :
Figure 2. Représentation 2D du Problem TEAM 32 avec a) l'approche avec une région magnétique non conductrice et une propriété B(H) hystérétique et b) l'approche avec une région de type conducteur massif, une propriété B(H) hystérétique et une propriété J(E) linéaire isotrope.


L'intérêt de comparer ces deux approches est de pouvoir quantifier le niveau des pertes hystérétiques et des pertes fer pour plusieurs fréquences d'alimentations, les sources de tension qui alimentent le circuit imposent une tension sinusoïdale avec une amplitude de 14.5 V et un déphasage de 90° entre les deux sources. Pour cette comparaison, plusieurs simulations sont lancées pour une plage de fréquence allant de 1 à 100Hz avec les deux approches afin de tracer et de comparer les pertes hystérétiques moyennes en fonction de la fréquence d'alimentation avec les pertes fer.
Après résolution, une comparaison entre les deux approches précédente peut donc être faite en comparant d'une part les pertes fer et d'autre part les pertes hystérétiques comme montrées dans la figure ci-dessous :
Figure 3. Puissance total absorbée par le noyau magnétique en fonction de la fréquence d'alimentation, avec en orange l'approche avec une région magnétique non conductrice, et une propriété B(H) hystérétique et en bleu, l'approche avec une région de type conducteur massif, une propriété B(H) hystérétique, et une propriété J(E) linéaire isotrope.


La répartition des courants induits peut être visualisée à l'aide des flèches en affichant la densité de courant J dans le noyau magnétique comme montré dans la figure ci-dessous.
Figure 4. Répartition des courants induits qui évoluent dans le volume du noyau magnétique avec l'approche avec une région de type conducteur massif, une propriété B(H) hystérétique et une propriété J(E) linéaire isotrope.


Références bibliographiques

  1. H. Pfützner and G. Shilyashki, "Theoretical Basis for Physically Correct Measurement and Interpretation of Magnetic Energy Losses," in IEEE Transactions on Magnetics, vol. 54, no. 4, pp. 1-7, April 2018, Art no. 6300207, doi: 10.1109/TMAG.2017.2782218.
  2. M. Tousignant. Modélisation de l’hystérésis et des courants de Foucault dans les circuits magnétiques par la méthode des éléments finis. Energie électrique. Université Grenoble Alpes; Polytechnique Montréal (Québec, Canada), 2019. (in French). ⟨NNT : 2019GREAT065⟩. ⟨tel-02905410⟩