Matériau doux isotrope : hystérésis par modèles de Preisach

Introduction

Ce chapitre traite de la création d'un matériau avec une propriété B(H) de type :

  • Hystérétique isotrope, modèle de Preisach décrit par 4 paramètres d'un cycle typique et
  • Hystérétique isotrope, modèle de Preisach identifié par N triplets

dans un projet Flux.

Les matériaux possédant ce type de propriété B(H) de type Preisach permettent de prendre en compte les phénomènes d'hystérésis ferromagnétiques pendant la résolution du projet. Par conséquent, ils permettent une évaluation directe ou à priori des pertes fer dans le matériau ferromagnétique, contrairement aux approches dites à posteriori comme les modèles Loss Surface et Bertotti.

Le modèle de Preisach dans Flux

Le modèle de Preisach est un outil mathématique utilisé pour représenter des modèles physiques avec un comportement hystérétique. Dans ces modèles, la quantité de sortie n'est pas seulement fonction de l'entrée : son état à un instant donné dépend également de l'historique des entrées et sorties précédentes. La relation non linéaire B(H) entre l'induction magnétique B dans un matériau ferromagnétique soumis à un champ magnétique variable dans le temps H(t) est un exemple de modèle hystérétique dont le comportement peut être représenté par un modèle de type Preisach.

Les modèles de type Preisach peuvent être interprétés en termes d'entités élémentaires appelées hystérons. Dans le cadre de l'hystérésis ferromagnétique, chaque hystéron peut être considéré comme un « relais magnétique » γα,β(H) qui ne peut présenter que deux états d'aimantation en fonction de l'intensité du champ magnétique d'entrée H (Figure 1 (a)). Pour une entrée H > α, l'hystéron passe à un état magnétique γα,β(H) = +1. D'autre part, pour H < β l'état de l'hystéron passe à γα,β(H) = -1. De plus, chaque hystéron peut être associé à un point (α,β) sur un demi-plan cartésien donné par α≥β (Figure 1(b)).

Figure 1. Représentation d'un seul hystéron (a) et du plan de Preisach (α,β) pour un état de aimantation donné d'un matériau ferromagnétique (b).

Par conséquent, le comportement hystérétique B(H) d'un matériau magnétique donné résulte de la superposition des effets d'une distribution continue d'hystérons exprimée par l'intégrale double suivante :

B(H) = ∫∫α≥β [ P(α,β) γα,β(H) ] dα dβ.

Dans l'expression précédente, la fonction P(α,β) (appelée fonction de densité de Preisach) est une propriété du matériau ferromagnétique et doit être identifiée à partir de mesures magnétiques expérimentales.

Flux utilise un modèle d'hystérésis vectoriel optimisé de type Preisach qui simplifie grandement la création de matériaux ferromagnétiques dans un projet. En effet, seules les mesures magnétiques effectuées sur un cycle d'hystérésis typique sont nécessaires à l'identification du modèle pour un matériau donné. Deux outils d'identification du modèle sont disponibles pour aider l'utilisateur en cette étape préliminaire.

De plus, le modèle de type Preisach disponible dans Flux s'appuie sur une fonction d'Everett pour éviter l'évaluation d'une intégrale double plusieurs fois à chaque pas de temps, ce qui permet de réduire les temps de calcul.

Pour une présentation détaillée sur le modèle de type Preisach implémenté dans Flux, veuillez considérer les références disponibles dans la section Références bibliographiques à la fin de ce chapitre.

Création d'un matériau hystérétique de type Preisach dans Flux

Le modèle de type Preisach disponible dans Flux peut être assigné à un matériau soit pendant sa création soit pendant sa modification. Plus précisément, l'utilisateur doit régler la propriété B(H) du matériau au sous-type approprié pour représenter son comportement hystérétique et renseigner les paramètres pour le modèle de Preisach.

La procédure est la suivante :

  • D'abord, créer ou éditer un matériau existant dans un projet Flux. Deux méthodes sont disponibles pour réaliser ces actions :
    1. Dans le menu Physique, en sélectionnant l'option Matériau et en faisant ensuite Nouveau ou Éditer ;
    2. Dans l'arbre de Flux dans le volet à gauche de la vue principale, dans la section Physique en double-cliquant sur Matériau pour en créer un nouveau ou en double cliquant sur un matériau déjà existant pour l'éditer.
    Selon le cas, Flux affichera soit la fenêtre Créer Matériau soit Éditer Matériau.
  • Quelle que soit la fenêtre, activer l'option Propriété Magnétique dans l'onglet B(H).
  • Ensuite, choisir un des deux modèles disponibles dans le menu déroulant :
    • Hystérétique isotrope, modèle de Preisach décrit par 4 paramètres d'un cycle typique et
    • Hystérétique isotrope, modèle de Preisach identifié par N triplets.
Dans le cas du matériau Hystérétique isotrope, modèle de Preisach décrit par 4 paramètres d'un cycle typique l'utilisateur doit alors fournir les paramètres décrivant un cycle d'hystérésis typique (un cycle majeur dans la plupart des situations) du matériau :
  • sa polarisation magnétique à saturation, exprimée en teslas ;
  • son induction rémanente, exprimée en teslas ;
  • son champ coercitif, exprimé en A/m ;
  • le facteur de forme qui correspond à la forme générale du cycle typique / majeur (valeur comprise entre 0 et 10).
Remarque : Un outil d'identification est disponible afin d'aider l'utilisateur à obtenir les quatre paramètres à partir de mesures représentant le cycle d'hystérésis typique / majeur pour un matériau donné. Pour plus d'informations, l'utilisateur peut se référer à la page de documentation suivante : caractérisation de matériaux.

D'autre part, dans le cas du matériau Hystérétique isotrope, modèle de Preisach identifié par N triplets, l'utilisateur doit renseigner en revanche une table contenant N triplets (ai , bi , ci) qui se mesurent respectivement en teslas, A/m et A/m. Les triplets (ai , bi , ci) correspondent aux paramètres de l'équation suivante :

B d ( H ) =   μ 0 H +   i = 1 N a i   atan H + c i b i
qui représente la branche descendante du cycle d'hystérésis majeur du matériau. Ces valeurs peuvent être obtenues à partir de mesures à l'aide d'un algorithme d'identification basé sur les moindres carrés.
Remarque : Un deuxième outil d'identification est donc disponible pour aider l'utilisateur dans la procédure d'identification pour obtenir les paramètres (ai , bi , ci) à partir d'un jeu de mesures (B, H). Pour plus d'informations, l'utilisateur peut se référer à la page de documentation suivante : caractérisation de matériaux.

Disponibilité et limitations

Le modèle de type Preisach pour un comportement hystérétique de la loi B(H) d'un matériau magnétique est disponible uniquement pour les applications magnétiques transitoires de Flux 2D et Flux 3D.

De plus, un matériau de type Preisach ne peut être assigné qu'à des régions de type magnétique non conductrice ou à des régions de type conducteur massif. Dans le cas de régions de type conducteur massif, le matériau devra également avoir une propriété J(E) afin que, dans ces conditions, le modèle de Preisach puisse également tenir compte des effets hystérétiques dynamiques, qui entraînent une augmentation des pertes aux fréquences plus élevées.

Les limitations suivantes doivent en outre s'appliquer aux projets contenant des régions caractérisées par un matériau défini par le modèle de type Preisach implémenté dans Flux :
  • l'initialisation par fichier dans les applications transitoires n'est pas supportée ;
  • l'initialisation statique dans les applications transitoires n'est pas supportée ;
  • assigner un ensemble mécanique compressible à une région ayant pour matériau un modèle de Preisach n'est pas supporté ;
  • la commande pour supprimer partiellement les résultats n'est pas disponible pour les projets contenant un matériau de ce type.

Exemple d'application

Considérons le problème TEAM 32 montré dans la Figure 2 ci-dessous. Le dispositif est composé d'une double excitation et d'un noyau magnétique composé de trois branches, dont le comportement hystérétique du matériau nous souhaitons investiguer à l'aide de Flux 3D.

Figure 2. Représentation schématique en 2D du circuit magnétique à double alimentation du problème TEAM 32 considéré dans cet exemple Flux 3D.

Les sources de tension qui alimentent le circuit imposent une tension sinusoïdale à 10 Hz avec une amplitude de 14.5 V et un déphasage de 90° entre les deux sources. Cette alimentation permet de créer une induction magnétique tournante à certains endroits du dispositif (par exemple, en position C1 de la Figure 2). Le calcul numérique de cette induction magnétique qui varie avec le temps est souvent utilisé pour évaluer les performances du modèle de Preisach. Pour une description complète de cet exemple spécifique (avec les dimensions géométriques, ainsi que les données complémentaire du circuit et des matériaux), veuillez vous référer au site TEAM problem repository maintenu par l'International Compumag Society.

Dans Flux 3D, le circuit magnétique peut être représenté par une région de type magnétique non conductrice. Afin de prendre en compte son comportement hystérétique dans une application Magnétique Transitoire, un matériau avec une propriété B(H) de type Hystérétique isotrope, modèle de Preisach identifié par N triplets doit être assigné à la région. Avec l'aide de l'outil d'identification fourni avec Flux, le matériau du dispositif utilisé dans ce problème TEAM 32 peut être décrit avec les triplets (ai , bi , ci) pour une identification avec N = 2 :

Tableau 1. Triplets pour le matériau de type Preisach du problème TEAM 32 pour un cycle centré et symétrique (B,H) avec une polarisation magnétique à saturation de 1.3 T à 10 Hz.
i ai (T) bi (A/m) ci (A/m)
1 0.5043 11.08 59.37
2 0.4162 130.19 114.39

Les deux bobines d'excitation sont représentées par des bobines non maillées. Elles sont alimentées par des sources de tension reliées à leurs composants de couplage dans le circuit électrique. Figure 3 montre la géométrie dans Flux.

Figure 3. Le dispositif maillé du problème TEAM 32 à l'intérieur d'une boîte infinie du projet Flux 3D.

Après avoir résolu le projet, le caractère rotatif de l'induction magnétique peut être vérifié à l'aide de capteurs placés au point C1 (illustré par la Figure 2). Le comportement hystérétique des champs B et H peut également être vérifié à l'aide d'un capteur placé à la position la plus centrale du dispositif, c'est-à-dire à l'origine du système de coordonnées illustré dans la Figure 2. Ces résultats sont disponibles dans Figure 4.

Figure 4. L'induction magnétique tournante pendant un cycle à la position C1 (a) et une boucle d'hystérésis à la position la plus centrale du circuit magnétique (b). La partie (b) montre également les mesures (B,H) utilisées pour l'identification des triplets d'entrée (ai,bi,ci).

Un capteur peut également être utilisé pour calculer la puissance magnétique totale absorbée par le noyau magnétique du dispositif à un pas de temps donné. Dans ce cas, l'utilisateur doit créer un capteur de type Prédéfini, choisir Puissance Magnétique et effectuer le calcul en utilisant la région volumique magnétique non conductrice représentant le circuit magnétique comme domaine de calcul. Les résultats sont montrés dans la Figure 5 ci-dessous.

Figure 5. Puissance magnétique absorbée par la région volumique représentant le circuit magnétique du dispositif TEAM 32 évaluée avec un capteur de Puissance Magnétique dans Flux 3D.

Références bibliographiques

Pour plus d'informations sur le modèle vectoriel de Preisach implémenté dans Flux, veuillez vous référer à la bibliographie ci-dessous :
  • M. TOUSIGNANT, Modélisation de l’hystérésis et des courants de Foucault dans les circuits magnétiques par la méthode des éléments finis. PhD thesis (in French). Université Grenoble Alpes and Polytechnique Montréal, 2019. Available online: https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02905410.
  • M. TOUSIGNANT, F. SIROIS, G. MEUNIER and C. GUERIN, Incorporation of a Vector Preisach–Mayergoyz Hysteresis Model in 3-D Finite Element Analysis, in IEEE Transactions on Magnetics, vol. 55, i. 6, March 2019, DOI: 10.1109/TMAG.2019.2900690.
  • M. TOUSIGANT, F. SIROIS and A. KEDOUS-LEBOUC, Identification of the Preisach Model parameters using only the major hysteresis loop and the initial magnetization curve, in 2016 IEEE Conference on Electromagnetic Field Computation (CEFC), DOI: 10.1109/CEFC.2016.7816148.