Modèle magnéto-mécanique B(Stress) : dépendance entre la loi constitutive B(H) et la contrainte mécanique

Introduction

Le comportement magnétique d'un matériau est connu pour être sensible à l'application d'une contrainte mécanique. Cela peut entraîner des effets importants qui modifient les performances des dispositifs électromagnétiques. Par exemple, les pertes fer dans un circuit magnétique soumis à une contrainte mécanique peuvent augmenter jusqu'à 40 %. La contrainte mécanique peut être appliquée de différentes manières : lors de la construction d'un dispositif magnétique (poinçonnage, découpe laser, assemblage...) ou lors de son fonctionnement (magnétostriction, forces centrifuges dues à une rotation à grande vitesse, etc.).

Flux peut modéliser cette dépendance entre la relation constitutive B(H) d'un acier électrique et les contraintes mécaniques grâce au modèle multi-échelle analytique B(Stress). Ce modèle permet de considérer l'influence d'une contrainte mécanique équivalente sur le comportement magnétique B(H) du matériau. Plus précisément, cette propriété couplée permet à Flux de tenir compte des effets de déformation plastique ou élastique qui modifient la relation B(H) qui serait vérifiée dans un échantillon non contraint du matériau. Les courbes B(H) modifiées sont calculées automatiquement par Flux et utilisées dans les calculs par la méthode des éléments finis.

Il est important de noter que les description des deux propriétés B(H) et B(Stress) d'un matériau sont requises pour tenir compte de l'effet d'une contrainte magnéto-mécanique. Figure 1 montre les courbes B(H) calculées qui résultent de différentes valeurs de contrainte mécanique pour une tôle d'acier électrique (alliage FeSi) :

Figure 1. Exemple de courbes B(H) modifiées calculées automatiquement par Flux pour une tôle d'acier FeSi, conformément à la propriété B(Stress) couplée pour différentes valeurs de contraintes mécaniques.


Dans ce modèle, l'influence de la contrainte mécanique sur la forme de la courbe B(H) est régie par la constante de magnétostriction à saturation λ. En Figure 1, le matériau non contraint est décrit par la loi Saturation isotrope analytique + contrôle du coude avec les paramètres suivants :
  • Perméabilité relative à l'origine : 10000
  • Aimantation à saturation : 1.9 T
  • Coefficient de courbure : 0.02.
D'autre part, la propriété couplée B(Stress) de ce matériau est caractérisée par une constante de magnétostriction à saturation λ égale à 9e-6.

Le paramètre λ peut être déterminé à l'aide de mesures (c'est-à-dire, en appliquant une contrainte contrôlée sur un échantillon magnétique) et dépend directement du type d'alliage composant la tôle d'acier. Une liste contenant les alliages et les métaux les plus fréquents et les valeurs correspondantes de leur constante de magnétostriction à saturation est fournie dans le Table 1 ci-dessous.

Tableau 1. Valeurs typiques de la constante de magnétostriction à saturation pour les métaux et alliages fréquemment utilisés dans les machines électriques.
Alliage / métal Constante de magnétostriction à saturation
FeSi 9e-6
FeNi 27e-6
FeCo 70e-6
Fe -7.0e-6
Ni -33e-6
Co -62e-6
Les sujets suivants sont abordés dans les sections suivantes :
  • Comment créer une propriété magnéto-mécanique B(Stress) couplée à une propriété magnétique B(H) ;
  • Spécificités pour le processus de résolution ;
  • Exemple d'application.

Création d'un matériau caractérisé par un modèle magnéto-mécanique et son affectation à une région

Le modèle magnéto-mécanique est disponible uniquement dans Flux 2D pour les applications Magnétique Transitoire et Magnéto-statique et peut être attribué à un matériau soit lors de sa création, soit lors de sa modification.

Plus précisément, l'utilisateur doit à la fois choisir le sous-type approprié (c'est-à-dire saturation isotrope analytique + contrôle du coude) pour la propriété B(H) du matériau et définir la propriété B(Stress).

La procédure est détaillée ci-dessous :

  • Tout d'abord, créer ou modifier un matériau existant dans un projet Flux. Deux méthodes sont disponibles pour effectuer ces actions :
    1. Par le menu Physique, en sélectionnant l'option Matériau et ensuite Créer ou Éditer ;
    2. Via l'Arbre de Données de Flux situé à gauche de la vue principale du projet, c'est-à-dire dans sa section Physique, en double-cliquant sur Matériau pour en créer un nouveau ou en double-cliquant sur un matériau existant pour le modifier.
    Selon le cas, Flux affichera soit la boîte de dialogue Créer matériau, soit la fenêtre Éditer matériau.
  • Activer l'option Propriété magnétique qui est disponible dans l'onglet B(H).

  • Ensuite, choisir le modèle suivant :
    • Saturation isotrope analytique + contrôle du coude et renseigner les propriétés du modèle : la Perméabilité relative à l'origine, l'Aimantation à saturation et le Coefficient de courbure.
  • Activer l'option Propriété magnéto-mécanique, qui est disponible dans l'onglet B(Stress) et choisir ensuite le modèle suivant :
    • Modèle multi-échelle analytique et renseigner la valeur de la Constante de magnétostriction à saturation λ.
  • Enfin, le matériau précédemment créé doit être affecté à une Région magnétique feuilletée non conductrice pour la bonne prise en compte de son comportement magnéto-mécanique pendant la résolution et dans les opérations de post-traitement (comme par exemple, le calcul des pertes fer). En pratique, lors de la création ou de l'édition de la région magnétique feuilletée non conductrice choisie, l'utilisateur doit activer l'option Dépendance du stress mécanique dans l'onglet principal de la boîte de dialogue de la région, puis choisir l'un des trois types de contrainte (et donc des modèles) suivants :
    1. Uniforme sur toute la région ou
    2. Décroissance exponentielle vers l'intérieur de la région ou
    3. Définie par une distribution variable dans l'espace.

    Dans tous les cas, l'utilisateur doit ensuite remplir le champ Stress uniaxial équivalent (MPa) avec la valeur ou l'expression paramétrique de l'intensité de la contrainte mécanique en MPa. Pour le premier cas (Uniforme sur toute la région), cette valeur impacte la loi B(H) de tous les nœuds de la région.

    Le deuxième modèle (Décroissance exponentielle vers l'intérieur de la région) applique cette valeur sur les nœuds situés aux bords de la région (exceptées les lignes définissant des symétries ou des périodicités); les nœuds internes étant contraints par un stress inférieur (en valeur absolue) déterminé par une équation de décroissance exponentielle. Pour définir un tel modèle, l'utilisateur doit aussi remplir le champ Distance définissant le taux de décroissance (mm) avec la valeur inverse de la constante de décroissance de l'exponentiel (en d'autres mots, la valeur à renseigner joue un rôle similaire que la "constante de temps" des circuits RL ou RC).

    Le troisième modèle (Définie par une distribution variable dans l'espace) utilise une expression ou une formule (qui peut inclure une quantité spatiale dont les valeurs varient en fonction de la position) pour définir les valeurs de contrainte sur les nœuds de la région.

    Remarque : Une valeur de contrainte positive correspond à une tension et une valeur négative à une compression (c'est le cas typique des tôles feuilletées poinçonnées qui sont utilisées dans les machines électriques). De plus, cette contrainte est dite équivalente à une contrainte uniaxiale dans le sens que le changement de la propriété B(H) dans la région correspond au changement qui aurait lieu dans un échantillon du matériau soumis à une contrainte uniaxiale. La région reste isotrope, c'est-à-dire que la propriété B(H) modifiée est utilisée pour toutes les directions dans les calculs.
    Remarque : La première approche (Uniforme sur toute la région) est utile lorsque l'utilisateur décide de diviser la région originale en sous-régions, qui peuvent inclure des parties qui ne sont pas affectées par la contrainte mécanique et d'autres qui sont impactées par une contrainte mécanique.
    Remarque : La deuxième approche (Décroissance exponentielle vers l'intérieur de la région) peut être vue comme une manière directe de modéliser une région magnétique qui n'est soumise à une contrainte mécanique que dans une bande étroite située le long de ses bords (effets du poinçonnage). Comme elle ne nécessite pas de diviser la région originale en sous-régions, cette approche facilite la description de la géométrie et du maillage. En règle générale pour le maillage, il est conseillé dans cette zone d'avoir une taille maximale pour les éléments égale à la Distance définissant le taux de décroissance (mm). Remarquez qu'avec cette deuxième approche, tous les nœuds de la région sont soumis à une contrainte mécanique (et par conséquent à une propriété B(H) modifiée) qui est maximale sur les bords et qui décroît exponentiellement au fur et à mesure que les nœuds sont situés à l'intérieur de la région. De cette manière, 95% de la contrainte mécanique s'applique sur la bande étroite située le long des bords de la région et de largeur égale à trois fois la distance renseignée dans le champ Distance définissant le taux de décroissance (mm). Un comparatif entre les deux premières approches est montré dans la Figure 2 ci-dessous où les cartes (isovaleurs) du stress obtenues sont reportées.
    Figure 2. Isovaleurs du stress mécanique appliqué sur une dent de stator selon deux des approches disponibles. Dans la première (a), le stator est divisé en deux régions : une région (le long des bords) endommagée par le poinçonnage où une valeur de stress uniforme est appliqué et une région intacte (au centre). Dans la seconde (b), la contrainte mécanique décroît exponentiellement des bords vers le centre de la région.


    Remarque : Avec la troisième approche (Définie par une distribution variable dans l'espace), l'utilisateur peut définir une distribution spatiale pour la valeur de la contrainte, qui peut être non uniforme dans la région. La distribution spatiale de stress peut être définie à travers les quantités et paramètres classiques de Flux et également par import de valeurs externes obtenues de simulations réalisées avec des solveurs mécaniques (e.g., Altair OptiStruct). De plus amples informations sur comment d'importer une telle grandeur spatiale sont disponibles dans le chapitre suivant : Importer une distribution de contraintes mécaniques dans Flux 2D.

Spécificités pour le processus de résolution

Le processus de résolution dans Flux est personnalisé si le projet à résoudre demande l'utilisation de ce modèle magnéto-mécanique. En particulier :
  • les options par défaut du solveur Newton-Raphson non-linéaire sont réglées de manière à assurer - dans la plupart des cas - le meilleur compromis entre précision et rapidité. Pour plus de détails, veuillez vous référer aux Réglages des paramètres de la méthode de Newton-Raphson.
  • le Coefficient de courbure défini dans la propriété B(H) du matériau n'est pas considéré pour les régions où l'option Dépendance du stress mécanique est activée. Cela signifie qu'en cas de valeur de Stress uniaxial équivalent (MPa) égale à zéro, les résultats peuvent être légèrement différents de la configuration où l'option Dépendance du stress mécanique n'est pas activée. Ce choix permet une meilleure représentation des phénomènes en cas de fortes valeurs de compression mécanique (ex: -150 MPa).

Exemple d'application

Considérons une machine synchrone à aimant permanent (MSAP) modélisée avec Flux 2D et utilisons-la comme exemple pour étudier l'effet du poinçonnage sur les calculs des pertes fer. Considérons également deux des approches décrites dans la section précédente pour la description de la région magnétique feuilletée non conductrice requise lorsqu'elles sont appliquées à cette machine spécifique :
  • Approche basée sur des contraintes de type Uniforme sur toute la région : le stator de la MSAP est divisé en deux régions distinctes. La première est une bande étroite correspondant aux bords du stator et a été endommagée par le processus de poinçonnage. La seconde représente les parties les plus internes du stator qui n'ont pas été endommagées par le poinçonnage.
  • Approche basée sur la Décroissance exponentielle vers l’intérieur de la région de la contrainte : le stator est représenté par une seule région. La contrainte mécanique de compression est maximale sur les nœuds situés sur les bords et elle décroit exponentiellement au fur et à mesure que les nœuds sont situés à l'intérieur de la région. Cette approche suppose que la largeur de la zone endommagée le long des frontières est faible par rapport aux dimensions du stator.
Figure 3. La géométrie du stator et les maillages adoptés pour chaque approche. Le maillage utilisé avec l'approche basée sur des valeurs de contrainte uniforme appliquée à deux régions est représenté en (a). Le maillage utilisé avec l'approche basée sur l'application d'une contrainte mécanique décroissante vers l'intérieur de l'unique région définie est représenté en (b).


Plusieurs calculs ont été effectués avec la contrainte mécanique de compression allant de 0 à -210 MPa et avec les deux approches : pour le cas de stress uniforme une largeur de la zone endommagée de 0.25 mm a été utilisée, alors que dans le cas du stress décroissant exponentiellement, le taux de décroissance a été fixé à 0.08 mm, de manière à que 95% du stress mécanique soit appliqué sur la bande externe de largeur 0.24 mm (trois fois ce taux de décroissance). Les pertes fer totales Bertotti ont été évaluées en post-traitement, après la résolution d'un scénario Magnétique Transitoire. Une comparaison des pertes fer totales obtenues pour chaque valeur de contrainte mécanique est résumée dans la Figure 4 ci-dessous :

Figure 4. Les pertes fer dissipées dans le stator en fonction de la contrainte mécanique. La courbe bleue correspond à l'approche basée sur un stator divisé en deux parties : une région aux bords avec une propriété magnéto-mécanique active et une région interne sans contrainte mécanique. La courbe orange à son tour correspond à l'approche dans laquelle la contrainte décroît exponentiellement des bords vers l'intérieur de seule région utilisée.


La distribution de l'induction magnétique peut être visualisée avec des isovaleurs dans le stator, comme le montre la Figure 5 ci-dessous. Dans cette figure, nous pouvons clairement voir l'impact du poinçonnage et de la contrainte mécanique sur les bords des dents de le stator. L'intensité de l'induction magnétique dans une région étroite le long du périmètre d'une dent est visiblement plus faible que dans ses parties les plus internes.

Figure 5. Distribution de la densité du flux magnétique au sein du stator. Résultats obtenus avec une approche basée sur l'application d'une contrainte mécanique de -60 MPa décroissante vers l'intérieur de la région.


L'affaiblissement de la densité du flux magnétique le long des limites est une conséquence de la dégradation localisée de la perméabilité magnétique résultant du poinçonnage pendant la fabrication du stator, comme le montre la Figure 1 .